(8/8) « La Commune a 150 ans »
C’est caché dans quelques mansardes de Montmartre que le dessinateur Eugène Pottier écrit la chanson qui deviendra l’hymne mondial de la révolution socialiste : L’Internationale. De sa fenêtre, il aperçoit la longue file des Parisiens arrêtés et bientôt fusillés par le régime. Pottier la dédie au communeux Gustave Lefrançais, élu, combattant, exilé et condamné à mort par contumace. Ces 72 jours durant, on ne la chante donc pas. Mais on chante beaucoup : dans les rues, les concerts. Et l’on entend : « Il faut, citoyen, sur la terre, / L’égalité pour seul niveau. »
(7/8) « La Commune a 150 ans »
Plus de quatre mille communards et communardes sont envoyés en Nouvelle-Calédonie, colonie de l’État français depuis le milieu du XIXe siècle, afin d’y purger leur peine — au bagne. Les révolutionnaires y retrouvent les « déportés » de l’insurrection kabyle : un vaste soulèvement anticolonialiste qui éclata deux jours avant celui de la Commune de Paris. En 1878, les populations indigènes mélanésiennes — les « Canaques », écrit-on alors — se soulèvent à leur tour contre le sort qui leur est fait. La plupart des communards se rallient au pouvoir qui les a expédiés à l’autre bout du monde ; plusieurs prennent même les armes pour mater la révolte : au nom de « la protection des Blancs« , argue un membre de l’Internationale. Louise Michel est l’une des rares à s’opposer à cette insupportable trahison de l’idéal socialiste ; mieux : elle prend fait et cause pour celles et ceux qui, comme elle, aspirent à la liberté. « Qu’on en finisse avec la supériorité qui ne se manifeste que par la destruction ! »
(6/8) « La Commune a 150 ans »
Juste avant d’être assassinée par la répression social-démocrate allemande, le 15 janvier 1919, la Polonaise de naissance publiait, dans le journal de la Ligue spartakiste, un article ciblant les partisans de « l’ordre ». Ceux qui venaient d’écraser par la force armée le soulèvement populaire allemand ; ceux qui, un demi-siècle plus tôt, avaient réduit la Commune de Paris à néant. Cette référence semble hanter l’œuvre de la militante, théoricienne et économiste marxiste. « L’héritage de Rosa Luxemburg peut être important pour notre mouvement à bien des égards« , a récemment avancé le sociologue et philosophe Michael Löwy.
Le Maitron ! Le grand dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français qui doit son nom à son concepteur, l’historien Jean Maitron, fête ses 60 ans cette année. À cette occasion, hommage en archives à ce dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, aventure éditoriale hors norme qui sort de l'oubli des figures de l’ombre de l’histoire des luttes sociales.
Bonne nouvelle pour les rats de bibliothèque.
L'impact de la consommation des récits de fiction sur le cerveau humain a longtemps constitué un sujet de discorde au sein du corps scientifique. Pour certains, il s'agirait seulement d'une source de divertissement qui présenterait plusieurs désagréments, comme une tendance à ôter son lecteur son ancrage vis-à-vis du monde réel; mais pour d'autres, ce serait un excellent moyen d'améliorer ses capacités cognitives. L'équipe de Lena Wimmer, chercheuse à l'université allemande de Wurtzbourg, a mené une nouvelle étude afin de déterminer comment la lecture de fiction affecte le cerveau.
Il ne fait maintenant plus aucun doute que l’état de la vie sur Terre est terriblement délabré. Cela amène à un certain pessimisme : on se dispute sur les efforts qu’il faudrait faire pour endiguer la catastrophe. Par quoi commencer ? Où et comment agir ? Mais ce qu’il faudrait, en réalité, c’est une refondation de notre lien à la vie. Un ré-enchantement. Plus que de solutions techniques, nous manquons d’une vision poétique. Il est essentiel de prendre le temps d’envisager d’autres manières d’habiter le monde.
On oublie parfois ce que fut l’Amérique littéraire et révolutionnaire durant la première moitié du XXe siècle : un lieu d’effervescence idéaliste, un creuset de culture libertaire où s’inventait la modernité. À Chicago, dans les années 1920, on aurait ainsi pu croiser un drôle de gaillard érudit, à la voix râpeuse et traînante, aux lectures incongrues, qui avait connu Alexandre Berkman, Emma Goldman et Eugène Debs (soit la fine fleur de l’anarchisme et du syndicalisme), qui fréquentait les clubs de jazz aussi bien que le milieu interlope des gangsters et des prostituées, apprenait le yoga tantrique, fondait un groupe dadaïste et s’apprêtait à partir en cargo vers l’Europe. Une dizaine d’années plus tard, c’est à San Francisco qu’on le retrouve, animant un cercle anarchiste, écrivant de la poésie érotique, rédigeant des essais sur le communalisme utopique entre deux traductions de haïkus japonais, tout en organisant les lectures où s’imposeraient bientôt les voix de la génération beat. Il n’aima ni la guerre ni les dogmes et prétendit moins changer le monde que l’apprivoiser — curieux incurable, optimiste tragique, individualiste solidaire, cet oxymore vivant méritait bien un portrait.
Adeline Baldacchino
(5/8) « La Commune a 150 ans »
La Commune détient 74 otages. Elle propose au gouvernement de les lui restituer en échange du seul Auguste Blanqui, alors incarcéré. C’est que l’homme a déjà tout du « mythe » : bientôt trois décennies derrière les barreaux et une opposition inlassable aux pouvoirs en place. Adolphe Thiers refuse — libérer Blanqui, c’est risquer de décupler les forces de l’insurrection. Gaston Da Costa, 20 ans, compte parmi les disciples de ce stratège de l’avant-garde révolutionnaire. Condamné aux travaux forcés à perpétuité après l’écrasement de la Commune de Paris, Da Costa, substitut du procureur durant les événements, reviendra, 30 ans après, sur ces semaines de « drame » avec son livre La Commune vécue. Portrait de l’auteur et fresque d’un courant atypique du socialisme français, le blanquisme, désavoué, depuis, par la plupart des courants marxistes et libertaires.
Par Tristan Bonnier
(4/8) « La Commune a 150 ans »
Que les femmes, absentes du gouvernement communal, aient joué un grand rôle lors de la Commune de Paris ne fait pas question : elles défendent les canons contre la troupe ; prennent en charge les camarades blessés ; érigent des barricades et ouvrent le feu sur l’ennemi ; siègent dans les clubs et les commissions ; écrivent dans la presse et s’engagent en faveur de la laïcité. Que la bourgeoisie ait redoublé d’injures à leur endroit n’en fait pas non plus : « pétroleuses », « femelles », « mégères », « soiffardes » et autres « laideronnes furibondes »… Louise Michel a longtemps incarné l’icône, presque unique, de la Commune au féminin ; on ne saurait pourtant faire le compte de toutes celles qui prirent part à la Révolution. Anna Jaclard en est. La jeune femme, russe d’origine, a 26 ans quand surgit la Commune. Elle intègre alors le Comité de Vigilance de Montmartre, cofonde un journal, participe à une commission visant à « organiser et surveiller l’enseignement dans les écoles de filles » et, en sa qualité d’ambulancière, soigne les blessés. Condamnée aux travaux forcés à perpétuité, elle s’exilera en Suisse. Portrait.
Élie Marek
(3/8) « La Commune a 150 ans »
Tandis que la Troisième République s’apprête à entrer dans Paris pour exterminer une révolution très largement ouvrière, ce brave Émile Zola peste contre les communistes, le « parti rouge », l’Association internationale des travailleurs et le « grand pontife de l’Internationale » (entendre Karl Marx), lesquels importeraient en France leurs affreuses théories. L’intéressé a alors 52 ans. Il vit en exil en Angleterre depuis 1849 et a publié le premier volume du Capital quatre ans avant l’éclatement de la Commune. Si l’Internationale — alors composée, pour l’essentiel, de collectivistes libertaires, de marxistes et de mutuellistes — ne joue aucun rôle dans ce dernier, 14 des 85 membres élus du gouvernement communal y sont affiliés. De Londres, Marx s’informe, correspond, commente et prodigue même deux ou trois conseils à ses quelques contacts communards. Rosa Moussaoui, grand reporter à L’Humanité, en fait le récit.
(2/8) « La Commune a 150 ans »
À la question de savoir ce qu’est « la dictature du prolétariat » telle que théorisée par Marx, son fidèle compagnon Engels répond en 1891 : « Regardez la Commune de Paris. » Marx avait d’ailleurs tenu cette dernière pour « la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du Travail ». Près de trois décennies plus tard, on raconte que Lénine esquisse quelques pas de danse sur la neige au 73e jour de la Révolution russe — c’est-à-dire un de plus que la durée de la Commune, massacrée par la troupe versaillaise : environ 20 000 morts en l’espace d’une semaine. Que cette histoire relève ou non de la légende ne change rien à l’affaire : la Commune imprègne les traditions communiste et marxiste. Mais elle irrigue avec semblable force le courant libertaire. Édouard Jourdain, auteur de Théologie du capital, revient sur la structure même de cette expérience révolutionnaire avortée : la commune, sans majuscule. Un long sillon s’avance alors, des écrits anarchistes de Proudhon aux cantons autonomes du Rojava.
(1/8) « La Commune a 150 ans »
L’Égyptomanie, une passion dévorante, irrésistible pour le lointain passé de l’Égypte.
Depuis quand l’Égypte fascine-t-elle ? Dès l’Empire romain avec Cléopâtre et le culte d’Isis, ou depuis le Moyen Âge qui collectait des momies, la Renaissance, les temps modernes, puis contemporains, avec l’expédition de Bonaparte ? Qu’en est-il d’ailleurs, aujourd’hui, puisque la grande civilisation pharaonique est chantée par IAM, Akhenaton, Rihanna ou encore Beyoncé ?
Pourquoi cet engouement, tout à la fois millénaire et planétaire : parce qu’il s’agirait, tout à la fois, d’une civilisation sortie de nulle part, insurpassée, donc modèle et matrice de toutes les autres ? Parce que les Égyptiens auraient découvert l’Amérique et auraient pleinement contribué à la construction des pyramides Maya ? Parce que les pyramides de l’Empire de Kush étaient des centrales électriques, rien de moins ?
Une méta-analyse portant sur 1252 individus provenant de sept grands sites funéraires d'Europe centrale datés du Néolithique ancien à l'âge du bronze tardif (c. 5500-1200 AEC) montre que dans six sites funéraires sur sept, il existe une minorité d'individus dont le sexe déterminé ne coïncide pas avec le genre que leurs tombes respectives sont censées indiquer d’après les objets funéraires et les pratiques d'inhumation.
Si l'on ne considère que les individus pour lesquels on dispose à la fois de la détermination du sexe et du genre, les «opposés» (terme indiquant que leur sexe biologique ne correspond pas au genre identifié) représentent une moyenne située entre 7,5 et 10% de l’échantillon.
Par ailleurs, les attributs funéraires peuvent également être corrélés à l'âge, à la mobilité, au rôle et/ou au statut social, et un dépôt de biens funéraires perçus comme genrés par les archéologues pourrait donc n'être qu'indirectement corrélé au sexe biologique.
L'équipement masculin dédié à une femme biologique n'est pas différent du même équipement dédié à un homme biologique, et vice versa. Comme ces individus ont été traités selon des normes standard, cela exclut qu'ils aient été considérés comme des exceptions. D'autre part, rien n'indique si cette «identité inadaptée» a été choisie par leurs porteurs ou si elle leur a été imposée, que ce soit dans la vie ou dans la mort.
L’étude conclut en incitant à la prudence dans l'interprétation des données disponibles, car elle montre que nos connaissances sur le genre préhistorique reposent en grande partie sur des données insuffisantes, souvent invérifiables et en partie biaisées. Seulement 30 % environ de toutes les sépultures étudiées fournissent suffisamment de données pour comparer le sexe biologique au sexe archéologique, tandis que le reste est soit partiellement déterminé, soit totalement indéterminé.