Le souvenir est-il vraiment « un chien qui se couche où il lui plaît » ? C’est ce que soutient le poète néeerlandais Cees Nooteboom, et à sa suite le professeur d’histoire de la psychologie Douwe Draaisma, auteur d’un livre fait pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du temps qui passe et aux mécanismes de la mémoire, Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit. Le souvenir est-il vraiment ce compagnon fidèle qui finit par nous trahir au gré des impératifs de la biologie du cerveau, dévoré par sa vieillesse et félon malgré lui ? Mais, surtout, quelle sorte de chien peut-il bien être, ce souvenir ?
Nous avions publié l’année de notre création le manifeste « Poésie, anarchie et désir » ; l’auteure, poète et essayiste, ajoute un second volet après relecture, l’été dernier, d’un autre texte, La fonction poétique de Christian Erwin Andersen. À mi-chemin de l’introspection et de l’hallucination. À la recherche, dit-elle, de la place de l’imaginaire dans la vie poétique, c’est-à-dire la vie tout court, en plus intense, plus intègre et, pour tout dire, plus anarchiste.
La question a bien des mérites, sinon celui de l’originalité : qu’est-ce que la poésie ? De Sartre à Maulpoix, de Bonnefoy aux copies du baccalauréat, de Léo Ferré à Louis Calaferte, de Raoul Vaneigem à Edgar Morin — cessons-là cette liste déjà trop longue —, tous ont tenté d’apporter leur pierre au fameux édifice. Alors, pourquoi, comme le fait ici Adeline Baldacchino (l’auteure de Diogène le cynique — Fragments inédits et de Max-Pol Fouchet — Le feu la flamme), en ajouter une après tant d’illustres ? Peut-être, sans doute, même, car la question reste ouverte (García Lorca refusait en cela d’y répondre). Il semblerait que l’on ne puisse que tourner autour sans prétendre au point final ; d’où cette belle « éthique de funambule » qu’elle propose.