Texte publié dans Mon Lapin Quotidien (L'association) en 2019.
Si l’on considère – comme Artaud et Breton mais aussi comme Blake, Hugo, Nerval, Novalis, Baudelaire, Rimbaud – que la poésie est une activité prophétique, inspirée, et qu’elle possède une fonction spirituelle et politique, en parfaite cohérence avec la parole des Sans Roi, alors celle-ci, après s’être épanouie pendant tout le XIXe siècle, est mise en danger dès le début du XXe siècle avec la création des éditions Gallimard et l’avènement de la figure d’André Gide.
Le souvenir est-il vraiment « un chien qui se couche où il lui plaît » ? C’est ce que soutient le poète néeerlandais Cees Nooteboom, et à sa suite le professeur d’histoire de la psychologie Douwe Draaisma, auteur d’un livre fait pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du temps qui passe et aux mécanismes de la mémoire, Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit. Le souvenir est-il vraiment ce compagnon fidèle qui finit par nous trahir au gré des impératifs de la biologie du cerveau, dévoré par sa vieillesse et félon malgré lui ? Mais, surtout, quelle sorte de chien peut-il bien être, ce souvenir ?
Nous avions publié l’année de notre création le manifeste « Poésie, anarchie et désir » ; l’auteure, poète et essayiste, ajoute un second volet après relecture, l’été dernier, d’un autre texte, La fonction poétique de Christian Erwin Andersen. À mi-chemin de l’introspection et de l’hallucination. À la recherche, dit-elle, de la place de l’imaginaire dans la vie poétique, c’est-à-dire la vie tout court, en plus intense, plus intègre et, pour tout dire, plus anarchiste.
La question a bien des mérites, sinon celui de l’originalité : qu’est-ce que la poésie ? De Sartre à Maulpoix, de Bonnefoy aux copies du baccalauréat, de Léo Ferré à Louis Calaferte, de Raoul Vaneigem à Edgar Morin — cessons-là cette liste déjà trop longue —, tous ont tenté d’apporter leur pierre au fameux édifice. Alors, pourquoi, comme le fait ici Adeline Baldacchino (l’auteure de Diogène le cynique — Fragments inédits et de Max-Pol Fouchet — Le feu la flamme), en ajouter une après tant d’illustres ? Peut-être, sans doute, même, car la question reste ouverte (García Lorca refusait en cela d’y répondre). Il semblerait que l’on ne puisse que tourner autour sans prétendre au point final ; d’où cette belle « éthique de funambule » qu’elle propose.